Le placement à domicile
Au moment où se réfléchit au Sénat et au cabinet de la ministre de la famille une réforme cosmétique de la protection de l’enfance, il est utile de rappeler que la loi du 5 mars 2007, qui fêtera bientôt ses huit ans d’âge, n’est pas encore entrée en vigueur en tous lieux.
Le petit dossier que nous présentons sur le «placement à domicile» est exemplatif des solutions innovantes préconisées par le législateur, mais qui n’ont été mises en œuvre que marginalement. Que le département des Bouches-du-Rhône, le troisième en terme de population, se soit engagé dans cette voie est remarquable, d’autant que l’alternative au retrait de l’enfant de sa famille implique un tout autre investissement des services sociaux et éducatifs.
Les témoignages recueillis au cours des journées d’étude de l’ANPASE à Biarritz en octobre dernier évoquent une façon de travailler au plus près des difficultés des familles, dans cette période morose où la précarité s’ajoute aux carences éducatives constatées par des services sociaux et des juges qui ne renoncent pas à croire aux compétences des parents.
La tribune de Claude Roméo, ancien directeur de l’enfance et de la famille de la Seine-Saint-Denis et de Jean-Pierre Rosenczveig, ancien président du Tribunal pour enfants de Bobigny, rappelle que les objectifs de la loi de 2007 ne sont pas encore atteints et que le «big-bang» institutionnel imaginé en haut lieu peut remettre en cause ce qui se construit déjà trop lentement.
Ils appellent à une plus grande responsabilité de l’État et à une meilleure concertation avec les acteurs locaux, qu’ils soient institutionnels ou associatifs. Et, entre les lignes, il pointent le maillon faible de la réforme de 2007, la prévention, appelant notamment au renforcement de protection maternelle et infantile (PMI) en grande difficulté en bien des lieux, comme le rappelle l’avis du Conseil économique, social et environnemental publié dans la partie «Documents».
Les difficultés rencontrées par les travailleurs sociaux dans leur activité sont bien illustrées par le collectif UGICT-CGT (Union générale des ingénieurs, cadres et techniciens CGT) qui a organisé une enquête auprès de 716 professionnels qui se plaignent majoritairement d’être empêchés de faire leur boulot convenablement. Les objectifs prioritaires de gestion paraissent dépasser ceux du travail social qui passent notamment par la défense des droits fondamentaux, qu’il s’agisse du droit au logement, mais également au respect de la vie privée, et plus généralement la revendication selon laquelle le travail social est avant tout au service des usagers.
Bernard Gastaud, membre du Comité des droits de l’enfant de l’ONU, expose en quoi l’éducation aux droits de l’enfant est non seulement un droit, mais aussi un devoir qui s’impose à l’État - par son service de l’éducation - et aux parents. C’est une obligation qui concerne autant les adultes et les acteurs de la société que les enfants eux-mêmes. Comment d’ailleurs peut-on concevoir que l’enfant puisse émettre son opinion sur les domaines qui le concernent s’il demeure dans l’ignorance des droits fondamentaux dont il peut revendiquer l’exercice ?
Plusieurs documents importants sont également publiés :
- l’avis de la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH) sur le respect des droits fondamentaux des populations vivant dans les bidonvilles, constamment violés, dont le dernier exemple fourni est le refus de sépulture à un bébé rom décédé dans la banlieue de Paris;
- la recommandation du Défenseur des droits sur la personne «tiers digne de confiance» en assistance éducative; des précisions qui permettent d’éviter certains abus quand il s’agit de confier un enfant après un décès des parents, d’éviter la suspicion qui pèse sur l’entourage de la famille d’un «enfant en danger» ou encore qui incitent à la rédaction de rapports de suivi de la mesure;
- l’avis du Conseil économique, social et environnemental sur la Protection maternelle et infantile (PMI), appelant à valoriser ce service et l’aider à mieux remplir ses missions.
Dans la partie «jurisprudence», on lira plusieurs décisions :
- la décision du Conseil d’État refusant d’annuler la circulaire «Taubira» sur l’octroi de certificats de nationalités aux enfants nés par le recours à la GPA à l’étranger;
- un arrêt de la Cour de cassation recadrant les conditions de la déclaration d’abandon d’un enfant et son «adoptabilité», et rappelant que l’intérêt de l’enfant - et notamment la manifestation de son opinion - doit être pris en compte;
- autre prise en compte de l’intérêt de l’enfant, la Cour d’appel de Limoges recadre la décision de «placement» dans le contexte de sa perception par l’enfant; ou encore sur l’enjeu du risque lorsqu’il s’agit de la protection du bébé dont on peut soupçonner qu’il a été «secoué»;
- la Cour de cassation s’est également penchée sur l’appréciation du danger résultant d’un rapport de l’expert psychiatre ayant eu à examiner la mère de l’enfant.
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Au sommaire du JDJ N° 340
Articles
1
Éditorial : Retourner maison...
Jean-Luc Rongé
9
À quel prix améliorer la protection de l’enfance ?
Claude Roméo et Jean-Pierre Rosenczveig
13
Enquête auprès des travailleurs sociaux,
UGICT-CGT
ANPASE : Biarritz - octobre 2014 : le placement à domicile
18
À l’assaut de l’industrialisation médico-sociale,
Hélène Cornière
20
Des postures en chantier : et si l’on prenait la pelle à deux ?
Marianne Antunes
24
«Ça pourrait aller plus mal» - Témoignage
Marie-Aimée Pignatel
Documents
26
Référentiel du placement a domicile (PAD) dans les Bouches-du-Rhône
29
L’éducation aux droits de l'enfant : un droit et un devoir,
Bernard Gastaud
Documents
35
Avis sur le respect des droits fondamentaux des populations vivant en bidonvilles. Commission nationale consultative des droits de l'Homme
47
Décision du Défenseur des droits n° MDE 2014-134. Recommandations visant à promouvoir l’accueil d’un enfant, dans le cadre d’une mesure d’assistance éducative, par une personne désignée tiers digne de confiance ou autre membre de la famille, dans des conditions adéquates tant pour les mineurs confiés que pour ses parents et les accueillants
52
Avis sur la protection maternelle et infantile. Conseil économique, social et environnemental
Jurisprudence
CE - 12 décembre 2014 - Nos 367324, 366989, 366710, 365779, 367317,368861
Nationalité - Acte d’état civil - Transcription - Enfant - Filiation - Grossesse pour autrui (GPA) - Prohibition - Certifi cat de nationalité - Délivrance - Circulaire ministérielle
Commentaire de Jean-Luc Rongé
54
Cass. - Ch. civ. 1 - 3 décembre 2014 - N° de pourvoi: 13-24268
Assistance éducative - Déclaration d’abandon - Conditions – Désintérêt manifeste des parents - Automatisme (non) - Intérêt de l’enfant - Famille d’accueil - Adoptabilité
Commentaire de Jean-Luc Rongé
57
CA de Limoges - Spéc. mineurs - 17 novembre 2014 - N° de RG: 14/00050
Assistance éducative - Mainlevée du placement - Aide éducative en milieu ouvert
61
CA de Limoges - Spéc. mineurs - 17 novembre 2014 - N° de RG: 14/00045
Assistance éducative - Santé de l’enfant - Maltraitance – Surveillance - Mesure de retrait du milieu familial - Confirmation
62
Cass. - Ch. civ. 1 - 8 octobre 2014 - N° de pourvoi: 13-24033
Assistance éducative - Caractérisation du danger – Mesure d’assistance en milieu ouvert
63
Éditorial
Retourner maison...
La loi du 5 mars 2007 engageait à innover... ce qui se faisait déjà dans le Gard depuis quelques années.
Des juges des enfants avaient convenu avec les services de l’ASE que l’aide éducative à domicile pouvait être renforcée par une mesure de «placement» de l’enfant... chez ses parents.
L’expérience fut concluante, dès lors que les services sociaux étaient investis dans l’aide à accorder aux familles. Il s’agit d’assurer une présence régulière, d’éviter que les carences constatées - le «danger» pour l’enfant - se répètent. Bien souvent, il s’agit de familles précarisées, que cela soit par une marginalisation sociale ou encore les «accidents de la vie». Parmi ceux-ci résident aussi les difficultés que le ou les parent(s) ont rencontrées dès leur plus jeune âge.
Et l’expérience s’est répandue, incitée notamment par la loi de 2007 qui a engagé les services à rechercher les solutions «innovantes», parmi lesquelles l’accueil séquentiel qui permet à l’enfant d’être pris en charge par un hébergement alternatif lorsque des difficultés passagères le rendent nécessaire.
On a entendu parler du PHOM («placement hors les murs») engagé depuis plusieurs années dans l’Aube que Claire Genneret avait exposé lors d’un colloque que nous avions organisé à Nancy (JDJ n° 298, octobre 2010, p. 28). Et maintenant, le département des Bouches-du-Rhône a produit un règlement sous forme de «référentiel du placement à domicile (PAD)» que nous reproduisons.
Dans ce numéro, nous présentons le dossier préparé par Hélène Cornière sur le placement à domicile, après avoir assisté aux journées d’étude de l’ANPASE à Biarritz en octobre dernier.
«Outil innovant» ? «Reproduction de la tendance familialiste» ? Nous ne pencherions ni pour l’un ni pour l’autre. Il s’agit de savoir ce que l’on veut lorsque l’objectif convenu de la protection de l’enfance est d’apporter une assistance aux familles rencontrant de graves difficultés dans l’éducation de leurs enfants. Tels sont d’ailleurs les termes des règles relatives à l’assistance éducative.
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