Communiqué de presse
La haine de la famille ?
On en viendrait à se demander si le blocage temporaire de toute évolution du droit de la famille peut provenir des quelques-uns qui se réfèrent encore au vieux principe attribué Napoléon selon lequel «La femme est donnée à l'homme pour qu'elle lui fasse des enfants. Elle est donc sa propriété comme l'arbre fruitier est celle du jardinier» et qui inspirent l'idéologie de ceux qui organisent depuis des mois l'opposition à toute réforme du droit de la famille.
Toute évolution du droit destinée à mieux «coller» aux évolutions sociétales s'est toujours heurtée à la frange conservatrice, certes minoritaire, mais disposant de suffisamment de relais - politiques comme religieux - faisant en sorte que les avancées législatives arrivent à chaque fois avec un temps de retard.
La ratification en 1990 de la Convention des droits de l'enfant a certes eu un impact sur la loi. Il fallut néanmoins douze ans pour que soit adoptée en 2002 la phrase finale de l'article 371-1 du Code civil prévoyant : «Les parents associent l'enfant aux décisions qui le concernent, selon son âge et son degré de maturité».
Comme le souligne Jean-Pierre Rosenczveig, dans l'éditorial ci-dessous reproduit : «Chacun sait aujourd'hui que «la» famille n'existe pas, mais qu'il y a plusieurs manières de vivre le fait familial. Oui, il y a une approche traditionnelle de la famille et une approche plus moderne. L'une est minoritaire, l'autre plus répandue. Il ne s'agit pas d'opposer l'une à l'autre, mais de les respecter.
Personne n'est propriétaire du thème famille».
Le dossier «famille» auquel nous consacrons le numéro de février de notre revue s'ouvre par un pied de nez de Roland Coenen aux thèses défendues par Maurice Berger et quelques autres selon lesquelles la résidence alternée serait désastreuse pour les enfants, au nom d'une psychologie prédictive. Ceux-là affirment également que l'aliénation parentale ne repose sur aucun fondement.
Qu'on l'appelle «manipulation», «pressions sur l'enfant», cette aliénation de l'enfant, par un de ses parents - ou par les deux - est pourtant reconnue par les tribunaux pour identifier la situation de l'enfant sommé de résoudre par sa parole le conflit de loyauté dans lequel le contentieux des parents l'a enfermé.
La jurisprudence publiée l'évoque, ainsi que la prudence des juridictions mais également leur maladresse quand il s'agit de statuer sur l'audition de l'enfant. L'analyse des décisions judiciaires entreprise pour le ministère de la justice par Maud Guillonneau et Caroline Moreau, dont nous publions les conclusions et la synthèse rédigée par Michel Huyette, montre bien que la résidence alternée résulte d'un accord entre les parents dans plus de neuf cas sur dix et qu'ils privilégient la fixation de la résidence au domicile de la mère pour les enfants de moins de cinq ans.
On est donc à cent lieues des fantasmes entretenus par quelques docteurs en mal de sensationnalisme, comme l'exprime également Marc Juston, juge aux affaires familiales, évoquant le bon sens, voire le simple constat de la «normalité» : «le juge aux affaires familiales doit partir du principe qu'il n'est pas normal qu'un père qui a créé une relation positive avec ses enfants en soit privé, alors qu'il est prêt à s'en occuper, et ce parce qu'il ne s'entend plus avec la mère. Il n'est pas normal, surtout, d'en priver l'enfant».
Le Collectif de réflexion sur la résidence de l'enfant après séparation rejoint également ce principe en soulignant que «des jugements actuels, qui accordent la résidence principale à la mère en cas de litige sur le mode de résidence nous semble bien être un vestige du patriarcat, qui accorde l'os de la «prévalence maternelle» pour mieux fermer aux femmes la route de l'égalité citoyenne».
Et l'on rejoint les polémiques de ces dernières semaines sur «l'égalité de genre» qui n'est jamais que l'apprentissage à l'école du principe selon lequel «les hommes et les femmes sont égaux en droit», pour briser les stéréotypes encore en vigueur. Démarche à laquelle s'opposent encore les quelques vieilles fractions qui n'ont jamais admis l'idéal jamais atteint de la République et l'adaptation du droit aux évolutions sociétales.
Évolution nécessaire des droits de l'enfant, Pierre Verdier en rappelle l'exigence en présentant un projet de loi destiné à permettre à l'enfant né sous X de connaître ses origines, alors que la loi française autorise encore les obstacles à en lever le secret, en violation de la Convention internationale des droits de l'enfant.
À travers l'étude des textes internationaux et de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme, Anne-Catherine Rasson retrace l'évolution des droits de l'enfant dans le contexte familial. Elle conclut : «De nouveaux outils, tels que l'accès au juge pour le mineur, un renforcement de son droit de participation, une meilleure formation tant pour les adultes que pour les enfants, devront être élaborés pour garantir une effectivité pratique, authentique et réelle des droits fondamentaux des enfants».
Quant au respect de la vie familiale, Grégory Thuan, avocat, spécialiste des recours auprès de la Cour européenne des droits de l'Homme, regrette la façon quasi systématique dont les requêtes introduites contre la violation par les autorités publiques, britanniques notamment, sont systématiquement rejetées comme irrecevables alors qu'elles dénoncent un véritable rapt des enfants par les services sociaux. Le comportement des autorités anglaises a été déjà décrit dans notre revue par Florence Bellone comme «un trafic légalisé qui débouche sur un crime honteux : l'adoption forcée» (JDJ, juin 2013).
Interviewée par Amélie Mouton, Françoise Tulkens, juge retraitée de la Cour de Strasbourg, exprime des craintes sur l'évolution des règlements de la Cour conduisant au rejet initial de la plupart des requêtes. Si elle s'inquiète du climat de méfiance envers les droits fondamentaux, elle se réjouit néanmoins qu'un nouveau protocole prévoie une procédure permettant aux plus hautes juridictions nationales de demander des avis consultatifs à la Cour concernant l'interprétation et l'application de la Convention.
Autre sujet d'actualité présenté dans ce numéro par Jacques Trémintin : le rapport du sénateur Michel sur l'état de la Protection judiciaire de la jeunesse. Il constate le champ de ruine laissé par dix ans d'orientations répressives dont il suggère de s'écarter, et entend réaffirmer la spécificité de la justice des mineurs et redonner aux juges des enfants un rôle pivot garantissant la continuité et la cohérence de l'action judiciaire. En annexe, nous publions le récapitulatif de ses propositions.
Quelqu'un comprendra-t-il quelque chose à la problématique de l'adolescence aujourd'hui, lorsque les repères s'éloignent et que l'avenir paraît bouché pour le grand nombre de ceux «qui n'ont ni places, ni espaces; qui sont rarement les bienvenus y compris dans les structures qui avaient été pensées pour leur classe d'âge», comme le constate Laurent Ott ? Celui-ci a assisté au premier colloque sur les «problématiques de l'adolescence» organisé par le Commissariat général à la stratégie et à la prospective (CGSP). Il en est sorti avec les doutes dont il nous fait part.
Vous aurez l'occasion de lire le détail du sommaire ci-dessous reproduit dans Le Journal du droit des jeunes qui paraît en version «papier», dix fois par an. Vous y êtes peut être abonné. Si ce n'est pas le cas, rendez-vous sur notre site www.droitdesjeunes.com où vous trouverez les éditoriaux, les sommaires et les quelques pages de «Brèves» depuis le numéro 200 (décembre 2000), ainsi que les informations utiles pour vous abonner.
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Sommaire du JDJ 332
Articles
1
Éditorial : Loi famille : la capitulation,
par Jean-Pierre Rosenczveig
7
J'étais à la première réunion consacrée aux «problématiques l'individuation et d'accès à l'âge adulte»,
par Laurent Ott
8
Quand un sénateur réhabilite l'éducation,
par Jacques Trémintin
10
Document : La PJJ au service de la justice des mineurs. Rapport de Monsieur Jean-Pierre Michel, sénateur de la Haute-Saône, parlementaire en mission auprès de Madame la Garde des sceaux, ministre de la justice (18 décembre 2013)
Dossier : Droit de la famille
FRANCE
12
Garde alternée des enfants en France – Confirmation des positions de Maurice Berger : Les enfants en garde alternée ont les pieds plats,
par Roland Coenen
14
Pour une réponse dépassionnée aux inquiétudes sociales sur la résidence alternée de l'enfant après séparation des parents,
par le Collectif de réflexion sur la résidence de l'enfant après séparation
16
Les décisions des juges aux affaires familiales relatives à la résidence des enfants – Analyse d'un échantillon de jugements,
par Michel Huyette
18
Document : Conclusions du rapport sur la résidence des enfants de parents séparés - De la demande des parents à la décision du juge
20
La résidence alternée: un droit des parents subordonné à l'intérêt de l'enfant,
par Marc Juston
22
La «démocratie familiale» aujourd'hui : promouvoir et concrétiser la participation des enfants aux décisions familiales,
par Frédéric Jésu
33
Proposition de loi pour le droit à la connaissance de son origine,
par Pierre Verdier
INTERNATIONAL
35
La réalisation des droits de l'enfant dans le contexte de la famille,
par Anne-Catherine Rasson
44
Brèves réflexions sur certaines incohérences de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme relative à l'article 8 de la CEDH,
par Grégory Thuan dit Dieudonné
49
Quelle réforme pour la Cour européenne des droits de l'homme ? Interview de Françoise Tulkens,
par Amélie Mouton
Jurisprudence
Cass. - Ch. crim. - 20 juin 2012 - N° de pourvoi: 11-88084
Droit pénal – Autorité parentale - Non présentation d'enfant – Aliénation parentale – Moyen de cassation - Irrecevabilité
Commentaire de la décision : Jean-Luc Rongé
52
Cass. - Ch. civ. 1 - 20 novembre 2013 - N° de pourvoi: 12-26725
Autorité parentale – Résidence de l'enfant – Audition de l'enfant – Prise en considération
54
Cass. - Ch. civ. 1 - 4 décembre 2013 - N° de pourvoi: 12-2743
Autorité parentale – Audition du mineur – Mention de l'information de l'enfant – Procédure civile – Moyen non invoqué au fond
56
Cass. - Ch. civ. 1 - 15 mai 2013 - N° de pourvoi: 12-12224
Autorité parentale - Hébergement - Demande d'audition par l'enfant - Âge - Pression - Absence de discernement - Refus
Commentaire de la décision : Jean-Luc Rongé
56
Cass. - Ch. civ. - 16 novembre 2013 - N° de pourvoi: 12-23766
Assistance éducative – Procédure civile – Appel – Parent - Majeur protégé – Capacité d'agir – Droit de visite médiatisé
58
CEDH - 18 juin 2013 - Affaire R.M.S. C. Espagne - Requête N° 28775/12 (extrait)
Droits de l'Homme – Respect de la vie familiale – Services sociaux - Retrait de l'enfant – Adoption - Inertie de l'administration et des juridictions - Violation
59
Éditorial
Loi famille : la capitulation
Si la décision politique de retirer le projet de loi famille s'avère provisoirement un coup payant, elle aura un coût.
C'est bien un retrait en rase campagne devant l'opposition opiniâtre rencontrée de la part d'une partie de l'opinion qui conduit le gouvernement, après un premier recul en 2012, à renvoyer son projet aux calendes grecques.
Le gouvernement voit combien les débats autour de ce texte - ce qu'il contient et ce qu'il ne contient pas - va servir des mois durant à alimenter cette boule de neige qui grossit et grossit encore : l'opposition au mariage homosexuel puis à l'adoption, les attaques sur la pseudo théorie du genre, le rabotage de niches fiscales comme celle de la garde d'enfant à domicile ou encore les rumeurs sur l'enseignement sexuel dès la maternelle en passant par la suppression par l'Assemblée nationale de la référence au «bon père de famille» napoléonien. Tout est bon, le vrai comme le mensonge éhonté, à certains pour faire croire que le gouvernement entend s'attaquer à «la» famille.
Peu importe ce qui est dit : tout est détourné. Le gouvernement s'engage depuis plus d'un an dans la foulée du président de la République à ne pas inscrire dans la «loi Famille» les débats sur la PMA et, a fortiori, sur la GPA et à s'opposer à des amendements parlementaires. Rien n'y fait, il est toujours accusé de soutenir ces évolutions.
On le déplorera car il paraît désormais impossible à bref délai de penser pouvoir reprendre frontalement ce travail d'adaptation de notre droit qui comprenait notamment une amélioration du statut de l'enfant avec le souci de faciliter son investissement citoyen, ce qui somme toute pouvait s'analyser comme une vraie démarche de prévention des comportements asociaux.
Ainsi il faudra bien un jour clarifier les responsabilités entre ceux qui ont en charge les enfants. Plus d'un million d'enfants vivent avec un seul de leurs géniteurs : quels sont les rôles respectifs du père et du beau-père, de la mère et de la belle-mère ? Nous proposions des solutions concrètes, pragmatiques de nature à rassurer les adultes comme les enfants. Depuis quinze ans cette adaptation s'impose.
(...) Lire la suite sur http://www.droitdesjeunes.com
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